FIGAROVOX/TRIBUNE – Après l’agression à Cannes d’une personne âgée par trois mineurs, le maire a demandé la fin du versement de leurs aides sociales. Le délégué général de l’Institut pour la Justice avance des pistes concrètes afin de retirer ces prestations aux personnes condamnées
À Cannes, trois mineurs ont commis un vol ultraviolent contre une femme octogénaire. En réaction, le maire de Cannes, David Lisnard, a écrit un courrier au ministère de l’Intérieur, demandant la fin du versement des aides sociales à ces individus. Additionnellement, il indique avoir lui-même entamé une procédure d’expulsion de leurs logements sociaux.
Que vaut cette demande? Est-elle justifiée et est-elle réaliste?
Il s’agit d’abord de clarifier ce dont il est question.
Les aides sociales sont les aides offertes par la société à des personnes en difficulté, pour les aider à répondre à leurs besoins fondamentaux: insertion, logement, santé… Citons, pêle-mêle, le RSA, le droit au logement, l’aide pour le logement ou encore les bourses de la CAF…
À la différence des prestations sociales (retraite, congé maternité, etc…), elles ne sont donc pas la contrepartie d’une cotisation. Les personnes bénéficiant d’aides sociales bénéficient donc entièrement d’une faveur de la part du reste de la société.
Il en va de même pour les contrats de bail en HLM. Ces contrats ne sont pas des contrats de droit commun. Le locataire possède le droit spécifique d’occuper un loyer subventionné, donc moins onéreux, mais aussi des devoirs spécifiques. Ces conditions contractuelles font du contrat de bail en HLM un contrat différent du bail classique, et une sorte de privilège pourrait-on dire, offert par l’État et les contribuables.
“La lourdeur et la longueur judiciaires découragent bien des élus ou des offices HLM à tenter l’expulsion.”
Pierre-Marie Sève
L’existence et le maintien de ces privilèges posent régulièrement question dans l’opinion pour des bénéficiaires parfois condamnés de multiples fois par la justice. Comprendre: ces personnes gâchent la vie en communauté et nous les subventionnons.
C’est ainsi que plusieurs élus ont évoqué la possibilité de suspendre ces aides. Certains sont même passés à l’acte. Les maires Les Républicains de Valence et de Rillieux-la-Pape avaient fait voter la suspension des aides sociales pour les délinquants et leurs familles.
Et, sur le plan judiciaire, Christian Estrosi, maire de Nice, avait demandé l’expulsion de la mère d’un dealer de son logement HLM. Expulsion confirmée par le tribunal judiciaire de Nice car le comportement de son fils caractérisait un «défaut de jouissance paisible» des lieux.
Mais ces mesures sont largement insuffisantes car circonscrites aux villes où elles ont été prises, et aux aides versées par ces communes. Ajoutons également que la lourdeur et la longueur judiciaires découragent bien des élus ou des offices HLM à tenter l’expulsion, entre les appels, les pourvois en cassation, voire les recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme…
Il faut donc aller plus loin. La nature même des aides sociales, comme des contrats de bail en HLM, suppose des devoirs chez leurs bénéficiaires. En effet, elles constituent des privilèges qu’offrent la France et ses contribuables aux personnes supposées les plus fragiles.
Est-il juste d’offrir ce privilège à des personnes condamnées par la justice pour les violations graves des règles de la vie en société? Assurément, non.
“Il faut des mesures qui permettront aux informations de circuler entre autorités judiciaires et organismes d’aides sociales.”
Pierre-Marie Sève
Ajoutons que les trafiquants et autres voleurs sont souvent en moins grande précarité économique que leurs voisins. Comme le rappelait l’ancien préfet Michel Aubouin, dans son livre «40 ans dans les cités», ce sont les grands trafiquants qui payent le plus régulièrement leur loyer au sein des grands ensembles.
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