FIGAROVOX/TRIBUNE – Le maire de Nîmes a annoncé le 5 juin la fermeture jusqu’à nouvel ordre d’une médiathèque située à proximité d’un point de deal. Pour Pierre-Marie Sève, directeur de l’Institut pour la Justice, la prolifération du trafic de drogue est un fléau dans de nombreuses villes moyennes.
LE FIGARO. – Le maire de Nîmes a annoncé le 5 juin la fermeture jusqu’à nouvel ordre d’une médiathèque située à proximité d’un point de deal. Pour Pierre-Marie Sève, directeur de l’Institut pour la Justice, la prolifération du trafic de drogue est un fléau dans de nombreuses villes moyennes.
Pierre-Marie SÈVE. – A Nîmes, les violences autour d’un des principaux points de deal de la ville ont poussé le maire Jean-Paul Fournier à fermer une médiathèque. Pourtant loin des banlieues parisiennes ou marseillaises, Nîmes n’en est pas moins complètement gangrenée par le trafic de drogue. Comme un nombre de plus en plus important de villes moyennes.
C’est un fait connu en criminologie : les petites unités urbaines ont une tendance naturelle à voir le crime décroître. Ainsi, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, le taux de coups et blessures volontaires sur l’ensemble de la France était de 3,9 pour 1000 habitants, mais il oscillait entre 1,9 dans les communes rurales et 5 dans les unités urbaines de 200.000 à 2 millions d’habitants. Mais, depuis plusieurs années, une tendance inquiétante se fait jour. L’augmentation des crimes et délits est plus forte dans les zones gendarmerie que dans les zones police. En 2021, le ministère de l’Intérieur relevait ainsi une augmentation inquiétante des agressions dans les régions traditionnellement plus tranquilles : ainsi de la Bretagne (+9,9%), ou de la Nouvelle Aquitaine (+3,4%), mais aussi dans des départements très ruraux comme la Dordogne (+13,2%).
Le résultat est que des villes moyennes sont désormais autant des coupe-gorges que les plus grandes agglomérations. Ainsi, le palmarès des coups et blessures volontaires dans les villes de France, révélé par Le Figaro en mars dernier, comptait bien Saint-Denis ou Lille dans son top 10, mais aussi Nancy, Caen ou Amiens. Le trafic en train de noyer les villes moyennes. Mais la fermeture de la médiathèque de Nîmes en dit plus que la simple gangrène de la violence dans les villes moyennes. Les violences qu’ont subi d’abord un pasteur suisse pris pour un policier, puis un journaliste de M6 venu filmer, sont directement reliées au trafic de drogue. Pour les trafiquants, c’est le territoire qui permet les profits de la vente de drogue, et ce territoire s’obtient par la force.
“Si on en croit l’ancien préfet Michel Aubouin, une lutte réellement efficace de la part des pouvoirs publics ne pourra désormais se faire qu’au prix d’immenses efforts.”
Pierre-Marie Sève
Et ces territoires précisément sont en pleine expansion. La France entière se couvre de points de deal. Selon Jérôme Fourquet, il y aurait 4000 points de deal sur tout le territoire, ce n’est que 6 fois moins que le nombre de bureaux de tabac. Le sociologue prenait l’exemple de l’Ile et Vilaine qui est largement approvisionnée par 40 points de deal à Rennes, mais également dans les petites communes comme Saint-Malo, Vitré, Fougères ou Dol-de-Bretagne. Et les zones rurales ne sont pas épargnées : il y a ainsi 14 points de deal en Ardèche, 15 en Indre-et-Loire, 15 dans l’Allier… Les solutions manquent, mais également le temps. Les timides tentatives de combattre le trafic ces dernières années auront consisté en une astucieuse amende forfaitaire lancée par Christophe Castaner, censée contournée la faible réponse judiciaire, mais elle était malheureusement beaucoup trop insuffisante pour vaincre un trafic estimé à 4 milliards d’euros.
…